Le 19
Juin 2012
La veillée de
ceux du 19ème
Venez épouser mes pointes chers
matelots de la mort
Il n'y aura nulle île, nulle terre pour
vous accaparer hors de votre sort
Vous, hommes passés du 19ème siècle, plus que
les têtes à barbes de morts
Vous scrutez depuis vos planches des catacombes
les mal-destinés
Vous
semblez rire de cet hubris
à laquelle
ils sont confrontés
Mais vos visages passés sont impassibles
et de pierre
Sauf vos regards, vos visions se prélassent, je l'espère,
dans une autre strate, d'un autre cercle
*
La peinture tâchée de touches bleu et rouge
que vous avez reçu : le sang, les coups
La peinture d'une épaisseur si colorée a son
emprise sur nos regards figés
La peinture fait tomber à la renverse
et ramper les visiteurs
Dans ce mausolée aux planches de catacombes,
tête trouée, il finira.
À un autre rang sera-t-elle, trouée de noir,
les lèvres gercées dans la pierre
Regard vitré, oreille arrachée – Oh ! Malheureux Van Gogh –
le cou en voie de disparition
Cette scène de défiguration a sa place centrale
dans le plus prestigieux des musées
Ceux des immensités perdues, des heures de l'errance
où l'art n'est pas rencontré
Lieu de départ et de retours obligés – le destin
mes frères – les escaliers
Marches de pierre
sur lesquelles je m'adosse : des touches piano blanches aphones
Seule sonne en moi la distance infinie jusqu'à
l'entrée du tombeau ancien
La lumière se réfracte, ne peut plus être perçue
hors de sa couleur café
Un trouble dans l'ordre,
dont les émanations entropiques ne peuvent être filtrées
Une balle dans la tête (sa barbe poussera-
t-elle ?) et il finira au tombeau de ceux du 19ème
*
Ramassez vos masques d'ivoire et revenez exprimer
près du sol vos voix et soufflez des exhalaisons
encore vivaces
Vos pieds dorés ne sont plus souillés,
ils ont fini de flétrir, tombés en poussière
respirée par les ombres
Retrouvez vos bandelettes et faites corps avec
les parois de ce ventre sacré qui ne peut plus
vous délivrer
La cire et le liège vont venir boucher les orifices,
que vous ne buviez jusqu'à la lie les vins passés,
que votre peau fonde à la lueur persistante de vos yeux
Passez ! Passez ! Dans le monde des anges qui
n'invitent personne, pas même vos regards si solides,
vous qui le méritez tant...
*
Chaque matin, avant la montée du Soleil
qui ne vous éclaire pas, je vous pleure
chers inconnus
Les éclairs la veille et le lendemain,
la bougie de veillée dans la pénombre,
auraient dû me faire oublier de verser ces larmes
Larmes douces ou de mer par nature ou d'un autre siècle,
celles encore qui prennent couleur, invisibles dans l'obscurité
Ne pouvaient-elles se commuer en cierges d'éternité ?
Et les bougies fondues en larmes salées ?
Le sang a disparu
et la chair déshydratée est laissée à l'identique.
Ces membres ont tous leurs muscles mais plus aucune force :
ils n'ont pu ramer ; ils nous le font rêver.
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