Cours 2 :
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On devrait être transformé par le cours, mais la philosophie peut
nous scléroser en nous empêchant de nous transformer. La
transformation vient d'abords comme un trouble car elle contredit
notre passé. La philosophie touche d'abords à notre façon de
vivre.
On devient majeur philosophiquement quand on devient autonome,
c'est-à-dire capable de penser par soi même. L'expérience est
formée de multiples façons. Aujourd'hui, nous sommes appareillés :
portables, etc – et bientôt sous la peau comme en Australie pour
les banquiers -. Ce sont des modalités nouvelles de l'expérience,
des pharmakas (poison et remède ; drogue), il faut en faire de
bonnes. Aujourd'hui, ces nouvelles modalités sont des drogues. Elles
produisent des expériences contrôlées par un monde industriel dans
une captation de notre attention pour le vendre au marketing.
En tant qu'adulte, on sait des choses que l'on peut argumenter
logiquement et démontrer. On peut toujours remettre en cause les
savoirs constitués depuis l'intérieur, notamment lorsqu’Einstein
a remis en cause la physique Newtonienne. L'expérience est la façon
dont un passé, en s'accumulant, se forme de façon plus ou moins
cohérente.
« Ce que je dis, c'est vous qui le dites » : si
c'était moi, interrogation écrite, personne n'écrit la même
chose. Où est la vérité ? La vérité n'est jamais oculaire.
Un cours comme ça un processus de co-individuation, nous nous
transformons ensemble, cela s'appelle penser. On ne pense jamais
seul : d'autres pensent en nous sous la forme de position
dialectique. Il y a des nœuds civilisationnels qui forment des
questions philosophiques. Ces questions, nous les refoulons, car
elles nous angoissent, si elle émergent, nous nous transformons.
Gilbert Simon : processus d'individuation. Cela suppose des
efforts. Nous avons tous tendance à refuser de nous poser des
questions.
Individuations et désindividuations
Pindare, poète grec : s'individuer, c'est devenir ce que nous
sommes. Il est cité par Nietzsche : « deviens ce que tu
es ». Nous avons de plus en plus de mal à faire des efforts,
donc à nous individuer. Tout est fait dans notre société pour nous
rendre irresponsable, fainéant et soumis à nos pulsions.
Pindare : « il est des hommes que dévore la soif d'or,
d'autres qui convoitent d'immenses héritages, pour moi, jusqu’à
ce que la terre engloutisse ma dépouille mortelle, je borne mon
ambition à plaire à mes concitoyens, à louer ce qui est digne de
louanges et à blâmer ce qui est digne de censure ».
Ce qui est nouveau aujourd'hui est que la société soit organisée
autour de la soumission aux pulsions : « tout le monde »
en tant que consommateurs, c'est-à-dire en se comportant de façon
grégaire.
On nous dit être individualiste, c'est faux, on ne cultive pas notre
individualité. Individualiste signifie aujourd'hui égoïsme car on
l'oppose à l'intérêt du groupe. La tendance grégaire nous
désocialise et nous désindividue. Comme tout comportement grégaire,
l'aspect sectaire repose sur l'exclusion d'un certain autre : la
peur du loup, etc. Nous pouvons lutter contre notre grégarité : le
nazisme est une pensée païenne qui s'oppose à toute forme de
croyance qui pourrait faire obstacle au totalitarisme.
Comme le dit Freud « psychologie des foules et analyse du
moi » : le mode de vie grégraire, l'homme y cède souvent
dans des situations particulières ou dans des formes d'organisations
politiques comme en Allemagne en 1933 (92% de plébiscite). Ces
hommes s'identifient de façon régressive à un chef. Il y a aussi
des foules conventionnelles. Jésus parle du troupeau notamment.
Méfions-nous toujours des foules. Les philosophes combattent la
régression. Socrate se méfie du « grand nombre »,
c'est-à-dire la foule (« rafle du Vel d'hiv » en 1942,
organisée par la police française ; une immense majorité de
français n'étaient pas résistants). Le stade olympique est
pharmacologique, il peut donner le meilleur comme le pire.
E. Kant « qu'est-ce que les lumières ? » : il
explique ce qu'est être majeur, tout le contraire des moutons.
Socrate, « Banquet » : il parle exclusivement à la
jeunesse, sauf aux sophistes, devant la jeunesse. Parfois il parle
avec diotima, une prêtresse.
Ars industrialis veut faire se rencontrer les générations car le
marketing détruit les liens entre générations.
Il faut se rendre plus digne de vieillir, digne d'être jeune. Ce que
les grecs appellent les mortels, les thanatoi, sont ceux qui ne
cessent de se transformer. Le monde se transforme avec nous, ce n'est
pas seulement l'univers, mais le monde terrestre, nous transformons
les manières de vivre. On ne peut rester jeune, mais on peut rester
ouvert, c'est-à-dire se transformer, pour ne pas devenir bête et
répéter. Personne ne peut échapper à la bêtise. Les plus bêtes
sont ceux qui croient pouvoir échapper à leur bêtise.
La transformation philosophique est d'une autre nature, il s'agit
d'une conversion. Kant se méfie de cela et des mystagogues qui
plaident pour une conversion sans passer par une critique de la
raison pure. Cela pourrait ressembler à un discours religieux ou de
secte. La conversion fait qu'on ne voit plus le monde comme avant. On
ne cesse d'oublier ce qu'on a découvert. Le cours vise à faire
vivre une expérience plus qu'à transmettre des connaissances. La
philosophie est une affaire de transmission (dialogue « Ménon »)
et de témoignage d'une expérience singulière (la mort de Socrate
pour assumer son expérience).
Texte « Ion » de Socrate : avec Ion, un rapsode
(poète et musiciens), on parle de la transmission d'un magnétisme
(métaphore) chez le poète, le philosophe. Il y a un pouvoir
cathartique du théâtre et de la poésie. Le poète et le
rhapsode, de même que les prophètes, ne tirent pas leur talent d’un
art ou d’une science, mais d’une inspiration qui leur est
communiquée par les dieux.
La conversion philosophique a quelque chose à voir avec Ion. La
philosophie tend à une transformation radicale, mais elle est
souvent progressive et transforme le regard. Socrate : « un
non-savoir » ; Rousseau : « perfectibilité ».
Les philosophes ont la conviction qu'il est possible d'apprendre à
partir du non-savoir. Pour Socrate, on ne sait pas et on ne saura
jamais ce qui nous met en mouvement.
Platon « le timée » : « si tout était fait
d'or, la seule chose que nous ne pourrions pas voir serait l'or ».
Cela conduit Platon à penser qu'il faut se projeter sur un autre
plan que le sensible, sur le plan de l'intelligible.
Aristote : « la seule chose qu'un poisson ne peut pas
voir, c'est l'eau ». On peut faire des sauts hors de l'eau. Ce
qui fait que nous sommes des êtres mortels, c'est-à-dire noétiques,
dotés d'un noos (esprit ou intellect), c'est que nous pouvons sortir
de notre milieu comme un poisson volant et donc « voir l'eau ».
On peut alors considérer le milieu en tant que tel, mais l'âme
noétique ne peut voir le milieu que de façon intermittente. Nous
pouvons le mettre en question et nous y mettre en questions.
La modernité, à partir de Descartes, nous pouvons en prendre
conscience (n'existe pas chez les grecs). Husserl, fin du 19ème
siècle, recommande un nouveau type de conversion qu'il appelle la
phénoménologie. Nous pouvons sortir du milieu noétique. Le milieu
noétique est un milieu logique qui suppose le logos, la parole, il
est aussi techno-logique (B. Stiegler, pas le point de vu des grecs).
La conversion phénoménologique de Husserl : il nous parle de
l'expérience phénoménologique comme une expérience de conversion.
C'est un discours (logos) sur le phénomène (apparaître). Il tente
de repenser les mathématiques qui sont en crise dans leur fondement.
La philosophie est souvent liée à des crises. Husserl, 1895,
« philosophie de l'arithmétique », puis « l'origine
de la géométrie » : il s'inscrit dans la pensée de René
Descartes qui se pose la question du doute méthodique et même
hyperbolique, c'est-à-dire absolu. On met absolument tout en doute,
sauf le doute lui-même. Cela va conduire Descartes à penser que le
sujet est le fondement de la pensée « ego cogito ergo sum ».
C'est la refondation de l'ontologie sur le sujet. Husserl, dans cette
veine, en 1901, « les recherches logiques » : il
fait de l' « égologie », la seule chose dont on ne peut
douter n'est pas tant le doute qu'une chose qui apparaît dans la
conscience, même si on ignore si c'est réel. On ne peut jamais être
absolument sûr de ses perceptions, même de ses douleurs. Qu'est-ce
que voir ? Cela renvoie à l’inquiétante étrangeté (Das
Unheimliche) du voir de Freud.
R. Descartes préconise la pratique du doute hyperbolique dans la
première méditation : « je supposerais donc qu'il n'y a
non point un vrai dieu qui est la souveraine source de vérité mais
un certain mauvais génie non moins rusé et trompeur que puissant
qui a employé toute son industrie à me tromper. Je penserais que le
ciel, l'air, la terre, les couleurs, les figures, les sons, et toutes
les choses extérieures que nous voyons ne sont que des illusions et
tromperie dont il se sert pour surprendre ma crédulité. Je me
considérerais moi-même comme n'ayant point de mains, point d'yeux,
point de chair, point de sang, comme n'ayant aucun sens mais croyant
faussement avoir toute ces choses. Je demeurerai obstinément attaché
à cette pensée et si par ce moyen il n'est en mon pouvoir de
parvenir à la connaissance d'une vérité, à tout le moins il est
en mon pouvoir se suspendre mon jugement ». R. Descartes nous
invite à sortir du milieu noétique.
C'est l'accès à des idéalités pour Husserl et pour Platon. Les
idéalités n'existent pas. Le point géométrique est géométrique
parce qu'il n'existe pas. Mais les idéalités rendent possible la
pensée vraie de ce qui existe, c'est-à-dire rigoureuse, entièrement
fondée pas à pas. Ainsi le point permet d'appréhender l'espace
réel conceptuellement, à travers des concepts apodictiques (grec :
démontré et fondé dans l'évidence). Cela donne une prise sur le
réel et cela permet de le transformer. Tout les objets qui nous
entourent sont des produits de l'industrie et de sa techno-logie, la
technique passée par les sciences formelles.
On peut aborder le sujet de la mise de la science au service de
l'économie ce qui donne la techno-logie. Platon se méfie plus que
tout de la technique.
Ce qui n’existe pas est indispensable pour penser ce qui existe. On
a appelé cela Dieu, on a tenté de démontrer l'existence de Dieu.
Cela aurait fait office de projection de cette puissance qui rend
possible tout ce qui existe. Exister, ce n'est que provisoire. Il y a
des choses qui n'existent pas mais qui consistent.
Pour Husserl, après la crise des mathématique, il faut penser ce
qui arrive à la conscience avant de savoir si cela appartient au
réel ou pas. Chez Husserl , la conscience est transcendantal. On
peut introduire le concept de Plaon d'aidos (idea, ce qui se donne à
voir, ce qui est visé à travers ce qui apparaît). Par exemple, une
boule de billard rouge devient orangée sous une autre lumière. Le
phénomène de l'apparition de cette boule n'est pas uniformément
rouge.
Goethe, philosophe, poète, allemand, a pensé cette question dans
son « discours sur la couleur ». La couleur pure est ce
que Van Gogh a cherché en Provence, « lettre à Théo » :
« (sur la haute note jaune) un soleil est une lumière que
faute de mieux je ne peux appeler que jaune, jaune souffre-pâle,
citron-pâle or, c'est si beau le jaune ». Il cherche « le
jaune », mais cela n'existe pas, sauf à consister en tout les
jaunes. C'est cette consistance qui insiste dans la peinture de Van
Gogh. À travers cette insistance, nous faisons apparaître notre
consistance tel que nous sommes capables de nous transformer. C'est
la question idéalités qui est visée : le jaune, le rouge,
etc.
Platon « Ménon » : Socrate et Ménon se demandent
ce qu'est la vertu, la couleur ? Pour que le rouge et le jaune
consiste, il faut que la couleur consiste à son tour à travers le
rouge et le jaune. Cette couleur insiste à travers toute les
couleurs. Newton appellera ça la lumière. Goethe refusera cette
idée, cela va au-delà. C'est la question de l'être depuis Socrate,
Platon, Aristote. On parle de l'essence d'une chose ou d'une façon
d'être. C'est la base de la science de l'être ou l'ontologie
(l'être ; les étant). À partir de Socrate, on pose le
problème de l'essence des choses « ti es ti »
(« qu'est-ce que »).
La pensée métaphysique dominante depuis l'antiquité pose que
« l'essence précède l'existence » . Au 20ème
siècle, Sartre, existentialisme: « l'existence précède
l'essence ».
On se posera la question de la technique et de l'indexation. On
appelle « catégorisation essentielle » celle qui définit
ces catégories spécifiques qui ne correspond pas directement à la
réalité, par exemple la couleur – tout de suite multiple -. Il y
a une démarche intellectuel qui cherche à décrire une réalité
qui ne correspond pas d'emblée à une réalité existante. La vertu
ou plutôt l'excellence grecque est la question chez les grecs dans
un sens particulièrement moral. L'excellence unifie les vertus. Il y
a des méta-catégories qui rassemblent elle-même des catégories.
Poser la question « ti es ti » revient à se poser la
question « qu'est-ce que l'être » : cela revient à
indexer. Nous sommes de plus en plus dans une société réticulaire,
une science industrielle de la fabrication sociale.
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