dimanche 3 février 2013

Ecole d'Epineuil : cours de philo 2



Cours 2 :
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On devrait être transformé par le cours, mais la philosophie peut nous scléroser en nous empêchant de nous transformer. La transformation vient d'abords comme un trouble car elle contredit notre passé. La philosophie touche d'abords à notre façon de vivre.
On devient majeur philosophiquement quand on devient autonome, c'est-à-dire capable de penser par soi même. L'expérience est formée de multiples façons. Aujourd'hui, nous sommes appareillés : portables, etc – et bientôt sous la peau comme en Australie pour les banquiers -. Ce sont des modalités nouvelles de l'expérience, des pharmakas (poison et remède ; drogue), il faut en faire de bonnes. Aujourd'hui, ces nouvelles modalités sont des drogues. Elles produisent des expériences contrôlées par un monde industriel dans une captation de notre attention pour le vendre au marketing.
En tant qu'adulte, on sait des choses que l'on peut argumenter logiquement et démontrer. On peut toujours remettre en cause les savoirs constitués depuis l'intérieur, notamment lorsqu’Einstein a remis en cause la physique Newtonienne. L'expérience est la façon dont un passé, en s'accumulant, se forme de façon plus ou moins cohérente.
« Ce que je dis, c'est vous qui le dites » : si c'était moi, interrogation écrite, personne n'écrit la même chose. Où est la vérité ? La vérité n'est jamais oculaire. Un cours comme ça un processus de co-individuation, nous nous transformons ensemble, cela s'appelle penser. On ne pense jamais seul : d'autres pensent en nous sous la forme de position dialectique. Il y a des nœuds civilisationnels qui forment des questions philosophiques. Ces questions, nous les refoulons, car elles nous angoissent, si elle émergent, nous nous transformons. Gilbert Simon : processus d'individuation. Cela suppose des efforts. Nous avons tous tendance à refuser de nous poser des questions.

Individuations et désindividuations

Pindare, poète grec : s'individuer, c'est devenir ce que nous sommes. Il est cité par Nietzsche : « deviens ce que tu es ». Nous avons de plus en plus de mal à faire des efforts, donc à nous individuer. Tout est fait dans notre société pour nous rendre irresponsable, fainéant et soumis à nos pulsions.
Pindare : « il est des hommes que dévore la soif d'or, d'autres qui convoitent d'immenses héritages, pour moi, jusqu’à ce que la terre engloutisse ma dépouille mortelle, je borne mon ambition à plaire à mes concitoyens, à louer ce qui est digne de louanges et à blâmer ce qui est digne de censure ».
Ce qui est nouveau aujourd'hui est que la société soit organisée autour de la soumission aux pulsions : « tout le monde » en tant que consommateurs, c'est-à-dire en se comportant de façon grégaire.
On nous dit être individualiste, c'est faux, on ne cultive pas notre individualité. Individualiste signifie aujourd'hui égoïsme car on l'oppose à l'intérêt du groupe. La tendance grégaire nous désocialise et nous désindividue. Comme tout comportement grégaire, l'aspect sectaire repose sur l'exclusion d'un certain autre : la peur du loup, etc. Nous pouvons lutter contre notre grégarité : le nazisme est une pensée païenne qui s'oppose à toute forme de croyance qui pourrait faire obstacle au totalitarisme.
Comme le dit Freud « psychologie des foules et analyse du moi » : le mode de vie grégraire, l'homme y cède souvent dans des situations particulières ou dans des formes d'organisations politiques comme en Allemagne en 1933 (92% de plébiscite). Ces hommes s'identifient de façon régressive à un chef. Il y a aussi des foules conventionnelles. Jésus parle du troupeau notamment. Méfions-nous toujours des foules. Les philosophes combattent la régression. Socrate se méfie du « grand nombre », c'est-à-dire la foule (« rafle du Vel d'hiv » en 1942, organisée par la police française ; une immense majorité de français n'étaient pas résistants). Le stade olympique est pharmacologique, il peut donner le meilleur comme le pire.
E. Kant « qu'est-ce que les lumières ? » : il explique ce qu'est être majeur, tout le contraire des moutons.
Socrate, « Banquet » : il parle exclusivement à la jeunesse, sauf aux sophistes, devant la jeunesse. Parfois il parle avec diotima, une prêtresse.
Ars industrialis veut faire se rencontrer les générations car le marketing détruit les liens entre générations.
Il faut se rendre plus digne de vieillir, digne d'être jeune. Ce que les grecs appellent les mortels, les thanatoi, sont ceux qui ne cessent de se transformer. Le monde se transforme avec nous, ce n'est pas seulement l'univers, mais le monde terrestre, nous transformons les manières de vivre. On ne peut rester jeune, mais on peut rester ouvert, c'est-à-dire se transformer, pour ne pas devenir bête et répéter. Personne ne peut échapper à la bêtise. Les plus bêtes sont ceux qui croient pouvoir échapper à leur bêtise.
La transformation philosophique est d'une autre nature, il s'agit d'une conversion. Kant se méfie de cela et des mystagogues qui plaident pour une conversion sans passer par une critique de la raison pure. Cela pourrait ressembler à un discours religieux ou de secte. La conversion fait qu'on ne voit plus le monde comme avant. On ne cesse d'oublier ce qu'on a découvert. Le cours vise à faire vivre une expérience plus qu'à transmettre des connaissances. La philosophie est une affaire de transmission (dialogue « Ménon ») et de témoignage d'une expérience singulière (la mort de Socrate pour assumer son expérience).
Texte « Ion » de Socrate : avec Ion, un rapsode (poète et musiciens), on parle de la transmission d'un magnétisme (métaphore) chez le poète, le philosophe. Il y a un pouvoir cathartique du théâtre et de la poésie. Le poète et le rhapsode, de même que les prophètes, ne tirent pas leur talent d’un art ou d’une science, mais d’une inspiration qui leur est communiquée par les dieux.
La conversion philosophique a quelque chose à voir avec Ion. La philosophie tend à une transformation radicale, mais elle est souvent progressive et transforme le regard. Socrate : « un non-savoir » ; Rousseau : « perfectibilité ». Les philosophes ont la conviction qu'il est possible d'apprendre à partir du non-savoir. Pour Socrate, on ne sait pas et on ne saura jamais ce qui nous met en mouvement.
Platon « le timée » : « si tout était fait d'or, la seule chose que nous ne pourrions pas voir serait l'or ». Cela conduit Platon à penser qu'il faut se projeter sur un autre plan que le sensible, sur le plan de l'intelligible.
Aristote : « la seule chose qu'un poisson ne peut pas voir, c'est l'eau ». On peut faire des sauts hors de l'eau. Ce qui fait que nous sommes des êtres mortels, c'est-à-dire noétiques, dotés d'un noos (esprit ou intellect), c'est que nous pouvons sortir de notre milieu comme un poisson volant et donc « voir l'eau ». On peut alors considérer le milieu en tant que tel, mais l'âme noétique ne peut voir le milieu que de façon intermittente. Nous pouvons le mettre en question et nous y mettre en questions.
La modernité, à partir de Descartes, nous pouvons en prendre conscience (n'existe pas chez les grecs). Husserl, fin du 19ème siècle, recommande un nouveau type de conversion qu'il appelle la phénoménologie. Nous pouvons sortir du milieu noétique. Le milieu noétique est un milieu logique qui suppose le logos, la parole, il est aussi techno-logique (B. Stiegler, pas le point de vu des grecs).
La conversion phénoménologique de Husserl : il nous parle de l'expérience phénoménologique comme une expérience de conversion. C'est un discours (logos) sur le phénomène (apparaître). Il tente de repenser les mathématiques qui sont en crise dans leur fondement. La philosophie est souvent liée à des crises. Husserl, 1895, « philosophie de l'arithmétique », puis « l'origine de la géométrie » : il s'inscrit dans la pensée de René Descartes qui se pose la question du doute méthodique et même hyperbolique, c'est-à-dire absolu. On met absolument tout en doute, sauf le doute lui-même. Cela va conduire Descartes à penser que le sujet est le fondement de la pensée « ego cogito ergo sum ». C'est la refondation de l'ontologie sur le sujet. Husserl, dans cette veine, en 1901, « les recherches logiques » : il fait de l' « égologie », la seule chose dont on ne peut douter n'est pas tant le doute qu'une chose qui apparaît dans la conscience, même si on ignore si c'est réel. On ne peut jamais être absolument sûr de ses perceptions, même de ses douleurs. Qu'est-ce que voir ? Cela renvoie à l’inquiétante étrangeté (Das Unheimliche) du voir de Freud.
R. Descartes préconise la pratique du doute hyperbolique dans la première méditation : « je supposerais donc qu'il n'y a non point un vrai dieu qui est la souveraine source de vérité mais un certain mauvais génie non moins rusé et trompeur que puissant qui a employé toute son industrie à me tromper. Je penserais que le ciel, l'air, la terre, les couleurs, les figures, les sons, et toutes les choses extérieures que nous voyons ne sont que des illusions et tromperie dont il se sert pour surprendre ma crédulité. Je me considérerais moi-même comme n'ayant point de mains, point d'yeux, point de chair, point de sang, comme n'ayant aucun sens mais croyant faussement avoir toute ces choses. Je demeurerai obstinément attaché à cette pensée et si par ce moyen il n'est en mon pouvoir de parvenir à la connaissance d'une vérité, à tout le moins il est en mon pouvoir se suspendre mon jugement ». R. Descartes nous invite à sortir du milieu noétique.
C'est l'accès à des idéalités pour Husserl et pour Platon. Les idéalités n'existent pas. Le point géométrique est géométrique parce qu'il n'existe pas. Mais les idéalités rendent possible la pensée vraie de ce qui existe, c'est-à-dire rigoureuse, entièrement fondée pas à pas. Ainsi le point permet d'appréhender l'espace réel conceptuellement, à travers des concepts apodictiques (grec : démontré et fondé dans l'évidence). Cela donne une prise sur le réel et cela permet de le transformer. Tout les objets qui nous entourent sont des produits de l'industrie et de sa techno-logie, la technique passée par les sciences formelles.
On peut aborder le sujet de la mise de la science au service de l'économie ce qui donne la techno-logie. Platon se méfie plus que tout de la technique.
Ce qui n’existe pas est indispensable pour penser ce qui existe. On a appelé cela Dieu, on a tenté de démontrer l'existence de Dieu. Cela aurait fait office de projection de cette puissance qui rend possible tout ce qui existe. Exister, ce n'est que provisoire. Il y a des choses qui n'existent pas mais qui consistent.
Pour Husserl, après la crise des mathématique, il faut penser ce qui arrive à la conscience avant de savoir si cela appartient au réel ou pas. Chez Husserl , la conscience est transcendantal. On peut introduire le concept de Plaon d'aidos (idea, ce qui se donne à voir, ce qui est visé à travers ce qui apparaît). Par exemple, une boule de billard rouge devient orangée sous une autre lumière. Le phénomène de l'apparition de cette boule n'est pas uniformément rouge.
Goethe, philosophe, poète, allemand, a pensé cette question dans son « discours sur la couleur ». La couleur pure est ce que Van Gogh a cherché en Provence, « lettre à Théo » : « (sur la haute note jaune) un soleil est une lumière que faute de mieux je ne peux appeler que jaune, jaune souffre-pâle, citron-pâle or, c'est si beau le jaune ». Il cherche « le jaune », mais cela n'existe pas, sauf à consister en tout les jaunes. C'est cette consistance qui insiste dans la peinture de Van Gogh. À travers cette insistance, nous faisons apparaître notre consistance tel que nous sommes capables de nous transformer. C'est la question idéalités qui est visée : le jaune, le rouge, etc.
Platon « Ménon » : Socrate et Ménon se demandent ce qu'est la vertu, la couleur ? Pour que le rouge et le jaune consiste, il faut que la couleur consiste à son tour à travers le rouge et le jaune. Cette couleur insiste à travers toute les couleurs. Newton appellera ça la lumière. Goethe refusera cette idée, cela va au-delà. C'est la question de l'être depuis Socrate, Platon, Aristote. On parle de l'essence d'une chose ou d'une façon d'être. C'est la base de la science de l'être ou l'ontologie (l'être ; les étant). À partir de Socrate, on pose le problème de l'essence des choses « ti es ti » (« qu'est-ce que »).
La pensée métaphysique dominante depuis l'antiquité pose que « l'essence précède l'existence » . Au 20ème siècle, Sartre, existentialisme: « l'existence précède l'essence ».
On se posera la question de la technique et de l'indexation. On appelle « catégorisation essentielle » celle qui définit ces catégories spécifiques qui ne correspond pas directement à la réalité, par exemple la couleur – tout de suite multiple -. Il y a une démarche intellectuel qui cherche à décrire une réalité qui ne correspond pas d'emblée à une réalité existante. La vertu ou plutôt l'excellence grecque est la question chez les grecs dans un sens particulièrement moral. L'excellence unifie les vertus. Il y a des méta-catégories qui rassemblent elle-même des catégories. Poser la question « ti es ti » revient à se poser la question « qu'est-ce que l'être » : cela revient à indexer. Nous sommes de plus en plus dans une société réticulaire, une science industrielle de la fabrication sociale. 

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