mardi 26 mars 2013

Ecole d'Epineuil : cours de philo 8

5 Février 2011

Socrate (Platon) est en relation à Diotima, une prêtresse qui enseigne à Socrate. Elle vient du mutos (mythe), c'est-à-dire de la société de la croyance. On pose que Socrate et Platon ont réalisé la transition vers la société du logos.
Mais, dans le Banquet, Socrate est sous l'autorité de Diotima qui est mystagogue : elle initie aux mystères du mutos.
La sagesse serait un rapport de désir, c'est l'objet par excellence du désir, or ce dernier est délirant. C'est l'irrationnel, le déraisonnable. Comment Socrate peut passer de la mythologie à la géométrie ?

Les présocratiques, Xénophane, Parménide, étaient à la fois fondateurs de cité, poètes et géomètres (dont Thalès), mais aussi des physiologue (interrogation sur la nature, physis, distinguée du nomos : le règne urbain).

Sur la figure de la mystagogue dans la tradition des mystères d'éleusis : c'est le lieu d'initiation à la mythologie de Perséphone. Ce qui est en jeu à travers elle, c'est une commémoration de son enlèvement par Hadès. Les myst qui y vont vivent une conversion. Ils commémorent la lutte de Déméter pour faire revenir au jour Perséphone, sous l'arbitrage de Zeus : elle disparaît 3 mois par an en Hadès (hiver). Déméter est donc une déesse de l'agriculture.

La référence de Platon au mythe est récurrente alors qu'il condamne les poètes, les prêtres, dans « La République ». Socrate est la charnière entre les deux sociétés et puise dans les deux.
Dotz n'hésite pas à parler d'un processus d' « aufklarung » (« Les lumières » en allemand : émancipation par rapport à la religion), notamment à cause de Xénophane (début 6ème siècle, un siècle avant Socrate) « si un bœuf savait peindre, son dieu ressemblerait à un bœuf ». Il remettait en cause la représentation des dieux et s'attaquait aux thaumaturges : poètes, sculpteurs, etc. Comment s'opère ce passage du mythe à la raison ?

Perséphone incarne aussi la mort, étant la femme de Hadès. Le lien entre le Banquet et Le Ménon sera le rapport entre désir et mort (Freud, 1921-1923 : relation pulsion de vie – pulsion de mort). Diotima dira que la sophia (sagesse) est l'objet du désir qui est un mystère, peut-être sans solution. Si on éclaircit l'objet du désir, celui-ci disparaît. L'objet de la science est un objet idéal, l'objet de la l'amour est un objet idéal.

Dans Ménon, Socrate y parle de l'anamnésis : « sans la connaître tu ne la chercherais pas », je ne la connais pas, je ne m'en souviens plus, mais je l'ai hérité depuis mon âme. L'anamnésis est le fondement de toute véritable connaissance. Dans Le Ménon, cela passe par le royaume des morts, la commémoration de l'enlèvement de Perséphone. L'anamnèse passe par le royaume des morts, par le mutos. Ici, c'est l’anamnèse à l'origine des autres. Pour répondre à l'aporie de Ménon, il est obligé de passer par les prêtres et les poètes. Cette profondeur finalement renverrait à l'inconscient.

Dans le Banquet, la beuverie dédié à un poète signifie aussi la présence de l'esprit du vin qui est aussi l'esprit en général dans la Grèce archaïque. Cela commence par le délire alcoolique et cela finit par le délire amoureux.

Commençons par étudier l'Atê (déesse de la faute et de l'égarement) étudié par Dotz. Cela vient d'Homère, tradition orale (James Joyce re-parcourera la littérature depuis Homère).
Le mot psyché et la parole du daimon de Socrate : je suis habité par un démon, un désir de sagesse qui me dépasse.
Pour Dotz, dans Homère, Agamemnon est habité par une Âté : il dit à Achille que Zeus est coupable ainsi que les Erinyes. L'Âté est un état d'âme qui peut être produit naturellement par le vin, le vin serait en soi naturel et démonique. Dans le Banquet, ils sont dans des pratiques démoniques, des pratiques sacrificielles que l'on retrouve aujourd'hui dans le culte chrétien (boire le sang du Christ par exemple).

Le délire, mania, n'est pas « le coup de folie », c'est-à-dire l'Âté. L'Âté a aussi le sens du daimon dans l'Odyssée : « quand un homme a une idée particulièrement excellente » (arêté) ou quand il est dans l'excès, quand il se souvient de ce qu'il pourrait oublier.
Dotz : il y a une intervention psychique d'un de ces êtres, daimon. Dans l'Hadès, il y a des revenants, des daimon. C'est un Autre qui est en soi (J. Lacan a développé une théorie de l'autre à partir de l'inconscient).

Chez les grecs, il n'y a pas de culpabilité, mais c'est une société de honte, aidos (honneur, honte). C'est également la timé et le kléos (la réputation, la renommée, la gloire, la reconnaissance). L'important est l'estime public. Platon participe à faire passer la société de la honte à la culpabilité.

Nous vivonsaujourd'hui les limites de la philosophie et donc de l'Occident.
Les digitals natives de Tunisie ont trouvé le courage d'affronté les dictatures en clamant leur dignité.

Dotz : au-delà du passage du mutos au logos, il y a une mutation de la structure familiale qui conduit à un changement de rapport entre générations. Les grecs anciens croyaient en la solidarité familiale : la vie du fils est la prolongation de celle du père. Il hérite de son héroïsme et de ses dettes, commerciales et morales (c'est une société de vendettas). Cet héritage empêche l'apparition de l'individu en tant que personne. L'une des principales réalisations de la rationalité grecque est la libération du fils de l'autorité paternelle. Cela revient à l'instauration de la démocratie athénienne.
Solon, qui a écrit des lois, a posé le principe que les citoyens sont isonomes : égalité des citoyens en droits et en devoirs.
Puis, il y eut Clysthène : il casse les clans en dix communautés fabriquées de façon arbitraire, les dém, d'où la création de la démocratie. Et cela n'est possible qu'à travers l'écriture. C'est la fin d'un monopole (ce qui s'est passé avec wikileaks également). L'écriture est partout gravée dans le marbre : agora, lieux de culte, stèles funéraires.
En 480 (proche de la naissance de Socrate), tous savent lire en Grèce. Un siècle et demi avant Platon, une nouvelle génération de l'écrit bouscule les natifs du mutos. Socrate, issu des deux civilisations, hérite encore de ses ancêtres des fautes morales : un kléos héréditaire.

C'est le bain culturel d'Eschyle qui a écrit « Les Perses » et « Prométhée enchaîné », c'est le père de la tragédie grecque. À son époque, le daimon est toujours là mais connait une transformation (deux à trois siècles après Homère). Par exemple, dans « Les Perses », le « grec rusé » est avec la prêtresse Timo (occurrence de démonisme). Mais il essaie de faire sortir la société de ce démonisme en la traversant, ainsi dans « Les Euménides » : « (…) dans un monde transformé par l'action d'Athéna en un monde nouveau de justice rationnel ».

Cette justice est l'un des grands sujets de Platon, comment être juste ? Quels critères et quelle critique ?
Si nous ne comprenons pas que l'on ne peut pas tout réduire à la rationalité capitaliste, nous ne pourrons pas convaincre les intégristes.
Le daimon habite Socrate et Platon fait de ce daimon une puissance fondamentale, dans « Le Timé » : une sorte d'esprit directeur sublime, l'élément de pure raison dans l'homme, une sorte de Surmoi (ce qui inspirera E. Kant). Cette intériorisation du démonique par Platon lui-même opère le passage de la société à la honte.

Dans la société grecque, la famille de structure patriarcale est la clef de voute de la société. Platon déteste la famille dans « La République » à cause de ces droits illimités du père. André Gide : « familles, je vous hais ! ». Dans ce contexte, Socrate est accusé de pervertir la jeunesse, c'est-à-dire de la rendre indocile. Il eut le choix entre exil et la ciguë, et choisit de mourir. Socrate vit donc entre l'époque archaïque et rationaliste. Gilbert Murray parle d'un « conglomérat hérité des mouvements religieux archaïques ».

Pour Dotz, la rupture n'efface pas les restes de la société archaïque. L'ancien survit dans le nouveau. Le conglomérat hérité d'où surgit ce qui rompt avec lui, le logos, devient le ferment d'une situation conflictuelle.
Par exemple : « Antigone » (Sophocle) qui proteste pour que Polynis soit enterré, elle dit à Créon « tu n'as pas le droit », car la loi divine l'interdit, celle de la Grèce archaïque, car ce serait un sacrilège empêchant Polynis d'aller en Hadès.
Cela conduit à une crise à cause de l'écart entre les croyances des élites et du peuple, ce sera la déchéance d’Athènes, avec la mort de Socrate notamment. Les aufklerer sont devenus des mécréants.

Pour Dotz, Xénophane était un homme profondément religieux, mais il représentait les dieux différemment. Il se rendait compte qu'il s'agissait de foi et non de connaissances. Il s'opposait à un mélange : le savoir positivement constitué et démontré et le démonic.
Ainsi, le Ménon est perturbant à cause de l'appel à ce qui n'est pas connaissable : c'est une aporie. C'est l'affaire de mystagogie et de la poésie. Les aèdes sont convoqués par Socrate avant la lecture du mythe de Perséphone.
Pourtant, Platon condamnera la poésie dans « La République » : il veut sortir de la société tragique, car il n'y a pas d'immortalité de l'âme. En effet, les poètes, aèdes et rhapsodes, chez les grecs, appartiennent à la culture de la honte ou tragique, c'est-à-dire de la mortalité, sans pour les revenants, mais c'est alors un kléos. Les poètes grecs pratiquent la poésie qui est une mnémotechnique. Ils ont « des capacités de voyance » dira A. Rimbaud. Cela consiste à apprendre par cœur le catalogon. Il raconte l'histoire de la société dans un état second qui met dans un état d'Âthé : le surnaturel s'exprime alors. 

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