Socrate (Platon) est en relation à Diotima, une prêtresse qui
enseigne à Socrate. Elle vient du mutos
(mythe), c'est-à-dire de la société de la croyance. On pose que Socrate et
Platon ont réalisé la transition vers la société du logos.
Mais,
dans le Banquet, Socrate est sous l'autorité de Diotima qui est
mystagogue : elle initie aux mystères du mutos.
La
sagesse serait un rapport de désir, c'est l'objet par excellence du
désir, or ce dernier est délirant. C'est l'irrationnel, le
déraisonnable. Comment
Socrate peut passer de la mythologie à la géométrie ?
Les présocratiques, Xénophane, Parménide, étaient à la fois
fondateurs de cité, poètes et géomètres (dont Thalès), mais
aussi des physiologue (interrogation sur la nature, physis,
distinguée du nomos :
le règne urbain).
Sur la figure de la mystagogue dans la tradition des mystères
d'éleusis :
c'est le lieu d'initiation à la mythologie de Perséphone. Ce qui
est en jeu à travers elle, c'est une commémoration de son
enlèvement par Hadès. Les
myst
qui y vont vivent une conversion. Ils commémorent la lutte de
Déméter pour faire revenir au jour Perséphone, sous l'arbitrage de
Zeus : elle disparaît 3 mois par an en Hadès (hiver). Déméter
est donc une déesse de l'agriculture.
La référence de Platon au mythe est récurrente alors qu'il
condamne les poètes, les prêtres, dans « La République ».
Socrate est la charnière entre les deux sociétés et puise dans les
deux.
Dotz
n'hésite pas à parler d'un processus d' « aufklarung »
(« Les lumières » en allemand : émancipation par
rapport à la religion), notamment à cause de Xénophane (début
6ème siècle, un siècle avant Socrate) « si un bœuf savait
peindre, son dieu ressemblerait à un bœuf ». Il remettait en
cause la représentation des dieux et s'attaquait aux thaumaturges :
poètes, sculpteurs, etc. Comment s'opère ce passage du mythe à la
raison ?
Perséphone incarne aussi la mort, étant la femme de Hadès. Le lien
entre le Banquet et Le Ménon sera le rapport entre désir et mort
(Freud, 1921-1923 : relation pulsion de vie – pulsion de
mort). Diotima
dira que la sophia
(sagesse) est l'objet du désir qui est un mystère, peut-être sans
solution. Si on éclaircit l'objet du désir, celui-ci disparaît.
L'objet de la science est un objet idéal, l'objet de la l'amour est
un objet idéal.
Dans Ménon, Socrate y parle de l'anamnésis : « sans la
connaître tu ne la chercherais pas », je ne la connais pas, je
ne m'en souviens plus, mais je l'ai hérité depuis mon âme.
L'anamnésis
est le fondement de toute véritable connaissance. Dans Le Ménon,
cela passe par le royaume des morts, la commémoration de
l'enlèvement de Perséphone. L'anamnèse passe par le royaume des
morts, par le mutos.
Ici, c'est l’anamnèse à l'origine des autres. Pour répondre à
l'aporie de Ménon, il est obligé de passer par les prêtres et les
poètes. Cette profondeur finalement renverrait à l'inconscient.
Dans le Banquet, la beuverie dédié à un poète signifie aussi la
présence de l'esprit du vin qui est aussi l'esprit en général dans
la Grèce archaïque. Cela commence par le délire alcoolique et cela
finit par le délire amoureux.
Commençons par étudier l'Atê
(déesse de la faute et de l'égarement) étudié par Dotz. Cela
vient d'Homère, tradition orale (James Joyce re-parcourera la
littérature depuis Homère).
Le
mot psyché
et
la parole du daimon
de Socrate : je suis habité par un démon, un désir de sagesse
qui me dépasse.
Pour
Dotz, dans Homère, Agamemnon est habité par une Âté :
il dit à Achille que Zeus est coupable ainsi que les Erinyes. L'Âté
est un état d'âme qui peut être produit naturellement par le vin,
le vin serait en soi naturel et démonique. Dans le Banquet, ils sont
dans des pratiques démoniques, des pratiques sacrificielles que l'on
retrouve aujourd'hui dans le culte chrétien (boire le sang du Christ
par exemple).
Le délire, mania,
n'est pas « le coup de folie », c'est-à-dire l'Âté.
L'Âté
a aussi le sens du daimon
dans
l'Odyssée : « quand un homme a une idée particulièrement
excellente » (arêté)
ou quand il est dans l'excès, quand il se souvient de ce qu'il
pourrait oublier.
Dotz :
il y a une intervention psychique d'un de ces êtres, daimon.
Dans l'Hadès, il y a des revenants, des daimon.
C'est un Autre qui est en soi (J. Lacan a développé une théorie de
l'autre à partir de l'inconscient).
Chez les grecs, il n'y a pas de culpabilité, mais c'est une société
de honte, aidos
(honneur,
honte).
C'est également la timé
et le kléos
(la réputation, la renommée, la gloire, la reconnaissance).
L'important est l'estime public. Platon
participe à faire passer la société de la honte à la culpabilité.
Nous vivonsaujourd'hui les limites de la philosophie et donc de
l'Occident.
Les
digitals natives de Tunisie ont trouvé le courage d'affronté les
dictatures en clamant leur dignité.
Dotz : au-delà du passage du mutos
au
logos,
il y a une mutation de la structure familiale qui conduit à un
changement de rapport entre générations. Les grecs anciens
croyaient en la solidarité
familiale :
la vie du fils est la prolongation de celle du père. Il hérite de
son héroïsme et de ses dettes, commerciales et morales (c'est une
société de vendettas). Cet héritage empêche l'apparition de
l'individu en tant que personne. L'une des principales réalisations
de la rationalité grecque est la libération du fils de l'autorité
paternelle. Cela revient à l'instauration de la démocratie
athénienne.
Solon,
qui a écrit des lois, a posé le principe que les citoyens sont
isonomes : égalité des citoyens en droits et en devoirs.
Puis,
il y eut Clysthène : il casse les clans en dix communautés
fabriquées de façon arbitraire, les dém,
d'où la création de la démocratie. Et cela n'est possible qu'à
travers l'écriture. C'est la fin d'un monopole (ce qui s'est passé
avec wikileaks également). L'écriture est partout gravée dans le
marbre : agora, lieux de culte, stèles funéraires.
En
480 (proche de la naissance de Socrate), tous savent lire en Grèce.
Un siècle et demi avant Platon, une nouvelle génération de l'écrit
bouscule les natifs du mutos.
Socrate, issu des deux civilisations, hérite encore de ses ancêtres
des fautes morales : un kléos
héréditaire.
C'est le bain culturel d'Eschyle qui a écrit « Les Perses »
et « Prométhée enchaîné », c'est le père de la
tragédie grecque. À son époque, le daimon
est toujours là mais connait une transformation (deux à trois
siècles après Homère). Par exemple, dans « Les Perses »,
le « grec rusé » est avec la prêtresse Timo (occurrence
de démonisme). Mais il essaie de faire sortir la société de ce
démonisme en la traversant, ainsi dans « Les Euménides » :
« (…) dans un monde transformé par l'action d'Athéna en un
monde nouveau de justice rationnel ».
Cette justice est l'un des grands sujets de Platon, comment être
juste ? Quels critères et quelle critique ?
Si
nous ne comprenons pas que l'on ne peut pas tout réduire à la
rationalité capitaliste, nous ne pourrons pas convaincre les
intégristes.
Le
daimon
habite Socrate et Platon fait de ce daimon
une puissance fondamentale, dans « Le Timé » : une
sorte d'esprit directeur sublime, l'élément de pure raison dans
l'homme, une sorte de Surmoi (ce qui inspirera E. Kant). Cette
intériorisation du démonique par Platon lui-même opère le passage
de la société à la honte.
Dans la société grecque, la famille de structure patriarcale est la
clef de voute de la société. Platon déteste la famille dans « La
République » à cause de ces droits illimités du père. André
Gide : « familles, je vous hais ! ». Dans ce
contexte, Socrate est accusé de pervertir la jeunesse, c'est-à-dire
de la rendre indocile. Il eut le choix entre exil et la ciguë, et
choisit de mourir. Socrate vit donc entre l'époque archaïque et
rationaliste. Gilbert Murray parle d'un « conglomérat hérité
des mouvements religieux archaïques ».
Pour Dotz, la rupture n'efface pas les restes de la société
archaïque. L'ancien survit dans le nouveau. Le conglomérat hérité
d'où surgit ce qui rompt avec lui, le logos, devient le ferment
d'une situation conflictuelle.
Par
exemple : « Antigone » (Sophocle) qui proteste pour
que Polynis soit enterré, elle dit à Créon « tu n'as pas le
droit », car la loi divine l'interdit, celle de la Grèce
archaïque, car ce serait un sacrilège empêchant Polynis d'aller en
Hadès.
Cela
conduit à une crise à cause de l'écart entre les croyances des
élites et du peuple, ce sera la déchéance d’Athènes, avec la
mort de Socrate notamment. Les aufklerer
sont devenus des mécréants.
Pour Dotz, Xénophane était un homme profondément religieux, mais
il représentait les dieux différemment. Il se rendait compte qu'il
s'agissait de foi et non de connaissances. Il s'opposait à un
mélange : le savoir positivement constitué et démontré et le
démonic.
Ainsi,
le Ménon est perturbant à cause de l'appel à ce qui n'est pas
connaissable : c'est une aporie. C'est l'affaire de mystagogie
et de la poésie. Les aèdes sont convoqués par Socrate avant la
lecture du mythe de Perséphone.
Pourtant,
Platon condamnera la poésie dans « La République » :
il veut sortir de la société tragique, car il n'y a pas
d'immortalité de l'âme. En effet, les poètes, aèdes et rhapsodes,
chez les grecs, appartiennent à la culture de la honte ou tragique,
c'est-à-dire de la mortalité, sans pour les revenants, mais c'est
alors un kléos.
Les poètes grecs pratiquent la poésie qui est une mnémotechnique.
Ils ont « des capacités de voyance » dira A. Rimbaud.
Cela consiste à apprendre par cœur le catalogon.
Il raconte l'histoire de la société dans un état second qui met
dans un état d'Âthé :
le surnaturel s'exprime alors.
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